Vietnam : peine de mort confirmée pour le cerveau d’une escroquerie à 27 milliards de dollars
Un tribunal de Ho Chi Minh-Ville a confirmé mardi en appel la condamnation à mort de Truong My Lan. Magnat de l’immobilier, cette femme d’affaires a orchestré le plus grand scandale financier qu’ait connu le Vietnam, pour un préjudice de 27 milliards de dollars.
Peine capitale pour le magnat vietnamien de l’immobilier. Un tribunal de Ho Chi Minh-Ville a confirmé, mardi 3 décembre 2024, en appel la condamnation à mort de Truong My Lan, accusée d’avoir orchestré le plus grand scandale financier qu’ait connu le Vietnam.
Les juges ont estimé qu’il n’y avait « aucune raison » de réduire la peine prononcée en première instance contre l’ex-dirigeante, considérée comme le cerveau d’une escroquerie à 27 milliards de dollars, selon un journaliste de l’AFP présent sur place. Mais si celle-ci rend trois quarts des sommes détournées, les juges ont précisé que la peine capitale pourrait être commuée en prison à perpétuité.
En chemise bleue, Truong My Lan était apparue dans la matinée au premier rang de la salle d’audience, assise aux côtés de son mari, également prévenu pour violation des règles bancaires.
Plus d’une centaine d’avocats ont participé au procès en appel, qui a duré un mois, selon des médias d’État.
La femme d’affaires a dérobé pendant une décennie des milliards de dollars, via un montage d’obligations frauduleuses transitant par la Saigon Commercial Bank (SCB), détenue à plus de 90 % par son groupe, Van Thinh Phat, spécialisé dans l’immobilier.
« Je ne pense qu’à rembourser ma dette »
Le scandale, aux proportions historiques, a choqué l’opinion publique au Vietnam, provoquant des rassemblements, exceptionnellement tolérés par le pouvoir communiste. Des dizaines de milliers de personnes qui ont investi leurs économies auprès de la SCB ont perdu leur argent.
Les procès contre la dirigeante illustrent aussi bien le laisser-aller du secteur bancaire, durant une période d’enrichissement rapide et inédit du pays, que la campagne anticorruption menée tambours battants par les autorités.
Dans sa demande d’appel rédigée à la main, consultée par l’AFP, Truong My Lan avait déploré la condamnation à mort rendue en première instance, un verdict « trop sévère et dur », appelant la cour à adopter une « approche plus humaine et indulgente ».
« Je ne pense qu’à rembourser ma dette auprès de la banque centrale du Vietnam (SBV) et du peuple », a-t-elle encore affirmé mardi dernier devant les juges. « Je me sens très honteuse d’être accusée de ce crime », a-t-elle poursuivi. « S’il vous plaît, veuillez reconsidérer et réduire ma condamnation ».
Pour rembourser sa dette, elle a suggéré de liquider la SCB et de vendre ses actifs. Truong My Lan et Van Thinh Phat possèdent notamment des parts dans des projets immobiliers d’envergure – gratte-ciel, centre commercial, port, lotissements – à Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du sud du pays.
La loi vietnamienne permet aux condamnés à mort d’échapper à une exécution, si trois quarts des actifs mal acquis sont rendus, ou en cas de coopération considérée comme suffisante avec les autorités. Les procureurs ont indiqué la semaine dernière qu’elle n’avait pas rempli les conditions, et que les conséquences de son crime étaient « énormes et sans précédent ».
Campagne anticorruption « brasier ardent »
Dans un autre volet du scandale, la dirigeante a été condamnée mi-octobre à la prison à perpétuité, pour blanchiment d’argent, fraude, et transfert illégal d’argent transfrontalier.
La banque centrale a indiqué en avril avoir injecté des fonds pour stabiliser la SCB, sans révéler combien.
L’affaire hors normes illustre les faiblesses du secteur bancaire vietnamien, entre corruption et laxisme sur l’application des règles, dans une économie qui tourne à plein régime depuis plusieurs années, selon des experts.
Un tribunal peut prononcer la peine de mort au Vietnam pour les crimes considérés comme les plus graves, notamment liés au trafic de drogues.
Les statistiques sur le nombre d’exécutions et de condamnations sont classées secret d’État, mais Amnesty international a recensé en 2023 au moins deux cas de signalement aux familles de l’exécution ou de l’imminente exécution de leur proche.
Les autorités ont initié ces dernières années une campagne anticorruption d’ampleur, surnommée « brasier ardent ». Des arrestations de dirigeants de premier plan ont ébranlé le gouvernement et le milieu des affaires, sur fond de querelles internes au parti pour le pouvoir, selon des experts.