Savez-vous qui a fait de Thanksgiving une tradition américaine incontournable ?
Sarah Josepha Hale est une figure marquante du XIXe siècle dont l’influence dépasse la simple écriture. Connue pour ses nombreux écrits, elle a transformé le paysage de la culture américaine, notamment à travers son rôle dans la consécration de Thanksgiving comme fête nationale. Sa carrière d’éditrice, son engagement social et sa vision pour unifier les Américains à travers des valeurs de simplicité et de famille, font de Hale une figure pionnière.
sarah-josepha-hale-origine-thanksgiving-couv
Dans l’histoire des États-Unis, les fêtes nationales ne sont pas seulement des moments de repos ou de célébration : elles incarnent des valeurs profondes et unissent des générations autour de traditions communes. Thanksgiving, aujourd’hui emblématique du mois de novembre, dépasse le simple repas pour devenir un symbole de gratitude et d’unité. Pourtant, cette célébration telle qu’on la connaît est en grande partie le fruit de l’engagement d’une femme du XIXe siècle, Sarah Josepha Hale.
Éditrice influente et patriote convaincue, elle a œuvré pendant près de deux décennies pour faire de Thanksgiving une fête officielle, visant à rassembler les Américains autour d’une journée de remerciements. En pleine période de divisions internes, Hale a su voir dans cette célébration un moyen de fédérer la nation, rappelant l’importance des valeurs familiales et de la gratitude dans la société américaine.
Sarah Josepha Hale : une éditrice de talent et de conviction
Née en 1788 dans une famille progressiste du New Hampshire, Sarah Josepha Hale grandit avec un accès rare à l’éducation pour une femme de son époque. Formée à domicile avec l’aide de son frère diplômé, elle développa un esprit critique et une passion pour l’écriture. Devenue veuve à 34 ans avec cinq enfants, Hale se tourna vers la littérature pour subvenir aux besoins de sa famille.
Son talent littéraire et son engagement la menèrent à la tête du Ladies’ Magazine à Boston. Elle devint alors la première femme éditrice d’un magazine aux États-Unis. En 1837, elle fut recrutée par Louis Godey pour diriger le Godey’s Lady’s Book. Il s’agit d’un périodique influent diffusé dans tout le pays. Grâce à cette tribune, elle façonna la vision culturelle de l’Amérique en matière d’éducation, de morale et de responsabilité familiale. Elle devient un pilier de la presse féminine du XIXe siècle.
Hale utilisa sa position pour défendre non seulement les valeurs domestiques, mais aussi des causes sociales importantes. Elle soutint des initiatives comme la collecte de fonds pour le monument de Bunker Hill et pour la préservation de Mount Vernon, soulignant l’importance du patrimoine national. Malgré une vision conservatrice sur le rôle des femmes, qu’elle voyait principalement dans la sphère familiale, Hale promut activement l’éducation féminine et soutint des pionnières comme Elizabeth Blackwell, première femme médecin aux États-Unis.
Son influence se mesurait par un lectorat atteignant jusqu’à 150 000 personnes, un chiffre impressionnant pour l’époque. Elle permit à des générations de femmes d’accéder à des idées progressistes et à une vision d’engagement civique. Ses écrits et ses initiatives ont ainsi inspiré les femmes à jouer un rôle actif dans la société tout en renforçant les valeurs de la jeune nation américaine.
Des débuts limités pour Thanksgiving
À l’origine, Thanksgiving se trouvait principalement célébré dans le nord-est des États-Unis en raison des traditions et coutumes des colons puritains et pèlerins. Effectivement, ils s’étaient installés dans cette région au XVIIe siècle. Les autorités religieuses et civiles de la Nouvelle-Angleterre proclamaient des journées de remerciement de manière occasionnelle. Souvent, elles marquaient des événements spécifiques comme une bonne récolte, la fin d’une période de sécheresse, ou un moment de paix. Chaque communauté choisissait ses propres dates. Il n’y avait pas de calendrier officiel pour cette fête.
Cette pratique flexible reflétait la vision des puritains. Ils considéraient que les actions de grâce devaient être des réponses spontanées à des bénédictions particulières, sans calendrier prédéfini. Ils prônaient des valeurs de piété et de simplicité et voyaient dans Thanksgiving une occasion de méditation spirituelle et de reconnaissance. À l’inverse, dans d’autres régions du pays, cette fête n’avait pas la même signification historique ni religieuse. On ne la célébrait donc pas de manière uniforme.
Comment Thanksgiving devint-il une vision de l’unité nationale ?
Sarah Josepha Hale entama son combat pour faire de Thanksgiving une fête nationale en 1846. Alors même que les tensions internes montaient aux États-Unis, notamment sur les questions d’esclavage et de division géographique. Elle voyait dans cette journée un puissant symbole d’unité. Il devait rassembler les Américains autour de valeurs partagées, comme la gratitude et la piété.
À cette époque, Thanksgiving n’était célébré que sporadiquement et de manière locale. Hale envisageait alors une journée fixe, reconnue au niveau national. Cette fête dépasserait les différences régionales et servirait de moment de rassemblement familial et spirituel. Dans les pages de Godey’s Lady’s Book, elle insistait chaque novembre sur l’importance de cette « journée de gratitude ». Elle la décrivait comme une occasion essentielle de renforcer les liens sociaux et de rappeler aux citoyens les valeurs fondatrices de la nation.
Portrait de Sarah Josepha Hale peint par James Reid Lambdin en 1831. © Wikimedia commons
Mais il faut bien comprendre que la démarche de Hale dépassait la simple tradition familiale. Elle voulait inscrire Thanksgiving dans l’identité patriotique américaine. Elle l’opposait directement à l’Europe, qu’elle voyait comme trop sophistiquée et détachée de valeurs essentielles. Pour elle, Thanksgiving incarnait les qualités profondes de l’Amérique. A savoir : une société tournée vers la simplicité et la vie rurale, un attachement aux racines et un respect pour le labeur. En appelant ses lectrices et lecteurs à écrire à leurs représentants politiques, elle transforma son lectorat en un groupe de militants pour la cause de Thanksgiving. Cette mobilisation permit de faire pression sur les décideurs.
La campagne couronnée de succès auprès de Lincoln
Ainsi après dix-sept années de détermination acharnée, et malgré les divisions croissantes qui menaient à la guerre civile, Sarah Josepha Hale réussit finalement à attirer l’attention du président Abraham Lincoln en 1863. Dans une lettre vibrante d’émotion et de conviction, Hale souligna à Lincoln l’importance de Thanksgiving pour renforcer l’unité nationale et apaiser les tensions. Elle voyait cette fête comme une occasion unique de rassembler les Américains, au-delà des clivages sociaux et politiques.
Lincoln, touché par cet appel, décréta Thanksgiving comme une fête nationale, fixée au dernier jeudi de novembre. Par cette proclamation, Lincoln espérait offrir aux citoyens un moment de répit et de reconnaissance, même en temps de guerre, pour se rappeler des valeurs fondamentales de la nation. Cette décision institutionnalisa Thanksgiving. Elle ancra cette journée de célébration dans le calendrier américain de manière durable.
Hale ne se contenta pas d’obtenir la reconnaissance officielle de Thanksgiving. Elle continua de jouer un rôle clé dans sa diffusion et sa popularisation. Dans Godey’s Lady’s Book, elle présentait chaque année des scènes de familles rassemblées autour d’un repas de Thanksgiving. Elle y détaillait les plats, les décorations et les traditions à honorer. Elle valorisait les repas chaleureux et l’ambiance de partage. Mais elle orientait tout de même les lecteurs vers des valeurs de simplicité et de piété.
Certes la dinde est devenue emblématique de cette fête aujourd’hui. Néanmoins Hale favorisait alors des plats comme le poulet et les huîtres. Son idéal de Thanksgiving, empreint de valeurs domestiques et communautaires, influença profondément la façon dont cette célébration fut adoptée dans les foyers américains, la transformant en un rituel familial et patriotique, reflet de son rêve d’une Amérique unie.